Résumé
Thibault est un prince qui a passé plus de temps en mer ces dernières années qu’auprès de son futur peuple, le Royaume de Pierre d’Angle. Poussé par une envie d’aventure, il a voyagé dans le monde entier pour fuir la petite île aride du Nord, remplie de mystère et havre de paix aux yeux des autres nations. Après tout, le Royaume de Pierre d’Angle est neutre politiquement, ce qui lui permet de prospérer dans la tranquillité alors que les autres nations entretiennent des relations tendues. Mais voilà que Thibault touche à la fin de son voyage. Il est temps de rentrer. Étape par étape, tempête après calmes plats, l’Isabelle, son bateau, et l’équipage, remontent vers le Nord. Mais lors d’un ravitaillement, ils écopent d’une passagère clandestine. Ema. Elle veut aller au Nord, elle aussi. Malgré les réticences des marins, elle se fait une place sur le bateau, elle devient même indispensable, envers et contre tout préjugé… Et quand, lors de sa dernière étape, Thibault apprend que son père est mort soudainement, il n’a plus que treize jours pour rentrer au Royaume et réclamer le trône à son demi-frère, un tyran qui n’a aucune notion du bien commun.
Un secret terrible, une pincée de magie pas forcément bienfaisante, une atmosphère légère qui s’alourdit peu à peu… Bienvenue au Royaume de Pierre d’Angle !
Mon avis
La première chose dont je souhaite parler, c’est le style d’écriture de ce roman. Pour moi, cela a été un coup de cœur immédiat et total. Le rythme est rapide, les phrases s’enchaînent, c’est un peu saccadé, l’action se déroule par bouts, au point qu’on ne sait parfois pas trop bien ce qui s’est passé alors que tout est écrit. Comme dans la vraie vie ! J’ai immédiatement accroché à cette écriture nerveuse qui m’a entraînée sans coup faillir de page en page, d’abord sur la mer pour la première partie du roman, puis sur Pierre d’Angle pour la deuxième partie. D’habitude, je n’aime pas du tout quand le narrateur (à la troisième personne ici), donne des indications sur les événements futurs, comme : “Elle ne savait pas encore qu’elle allait regretter cette décision amèrement”. Mais là, j’ai à peine tiqué et même pas râlé ! Et j’ai énormément aimé tous les détails, les courtes petites histoires secondaires, dont on se fiche pour l’action principale, qui ne font rien avancer, mais qui se savourent. Ce sont elles qui épicent le plat déjà succulent !
Le seul point vraiment négatif pour ce tome, et probablement de toute la saga quand j’aurai lu la suite (cela ne fait aucun doute), ce sont les scènes de blessures, assez nombreuses. C’est personnel et cela n’en gênera peut-être pas d’autres. Mais je n’aime vraiment pas ça. Alors quand des amputations sont faites, des yeux sont crevés, des fractures ouvertes exposent les chairs, j’ai juste envie de passer en vitesse le paragraphe en espérant ne rien rater d’important. Le style d’écriture ne se trahissait pas en entrant dans les détails. Mais pour le coup, c’était un peu trop détaillé pour moi !
Revenons-en au fait ! On sent qu’il s’agit du tome un d’une série. Des indices sont semés tout au long du roman pour des choses qui n’ont pas lieu entre ses pages. On se doute que cela va arriver dans les tomes suivants. Des menaces pour le futur règne de Thibault, un personnage qui n’a pas encore atteint tout son potentiel… Plein de questions sans réponses, donc. Le tome un ne peut pas se lire indépendamment, en quelque sorte. Il sert de positionnement, de contexte. Il est un peu long à démarrer. Et quand on arrive à la fin, l’histoire, la vraie, commence seulement. Mais on n’a pas eu le temps de s’ennuyer !
Les personnages en sont une des principales raisons. Ils ont chacun leur caractère, même les secondaires. Il y a les sages, les fantasques, les sages au début qui sont fantasques à la fin. Il y a les bougons, les radins, les posés, les fêtards. Il y a Ema, sa révolte contre son sort toujours tenue en laisse par son masque de distance impassible et Thibault, prince au cœur bon et à la tête un peu brûlée, avide d’espace et d’aventures. Ils m’ont fait rire et pleurer. Certaines répliques sont juste géniales, certaines scènes à deux se dévorent frénétiquement. Tout est blanc ou tout est noir. On sait immédiatement qui sont les gentils, les loyaux, qu’il faut aimer, et les méchants, qu’on va aussi aimer… détester ! Et des personnages… Il y en a beaucoup ! Quand on est en mer, sur l’Isabelle, cela va encore pour repérer qui est qui dans l’équipage. Puis on arrive enfin à Pierre d’Angle et là, il faut soudainement retenir une belle quantité de nouvelles têtes. J’ai eu un peu de mal à suivre au début, mais cela s’est finalement bien fait.
Le fonctionnement du royaume de Pierre d’Angle m’a surprise. Ce n’est pas souvent que l’on voit des artisans à un Conseil. Mais le Royaume n’a pas beaucoup d’habitants. Le Roi choisit donc parmi les sages ceux qui vont le conseiller. Chaque citoyen compte, même les mauvais. Pas de prison, les peines sont des travaux à la ferme. Le palais est ouvert à tous. S’il semble immense au vu des explorations que l’on y fait avec Ema, il ne regorge pas de richesses. Surtout, Thibault, ne pouvant plus avoir confiance en les hommes que son frère corrompt, fait appel pour la première fois de l’histoire… Aux femmes ! Ce roman est résolument féministe et c’est une réussite. Ema s’en sort mieux que les hommes sur bien des aspects, et surmonte de nombreux obstacles (masculins). La preuve avec les scènes à l’infirmerie sur l’Isabelle où ses remèdes “de sauvage” selon le médecin de bord s’avèrent en fait bien plus efficaces que la médecine (moyenâgeuse, précisons-le). Mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Un détail amusant, j’ai mis une bonne centaine de pages avant de me rendre compte qu’Ema est noire, sans doute par manque de concentration. Cela a pourtant un peu d’importance, mais après tout, c’est un fait parmi tant d’autres, que l’auteur n’a pas mis en avant quand cela ne comptait pas, de la même manière qu’elle n’a pas mis en avant que Thibault est blanc. Et c’était juste parfait ainsi.
Conclusion
Je ne vous ai pas spoilé le grand mystère de l’île, sa face sombre, la cause du naufrage de l’Isabelle (c’est dans le titre, vous vous en doutiez, non ?), le désespoir d’Ema dans les dernières pages… Vous voulez savoir ? Eh bien vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Pour ma part, bien entendu, c’est un coup de cœur !
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